Fantasmé par Hugo et Mérimée, le personnage de la gitane inspirait mystère, liberté et une certaine sensualité. Qu’en est-il aujourd’hui ?
La tendance gypsy, de nos jours, est une forme de revival des hippies 70s, moins la connotation anti-système. Un idéal composé de caravanes sur une plage californienne, de contrées lointaines, d’une vie proche de la nature. On vivrait au jour le jour, ferait du surf, du yoga, vivrait de sa créativité, mangerait bio, végétarien et pratiquerait la méditation ; on porterait des kimonos, des robes longues, des vêtements folkloriques, une accumulation de bijoux, des chapeaux, des boots, des couleurs vives. En voyage, on logerait chez l’habitant, on emporterait sa guitare pour chanter au coin du feu. La vie serait simple, ni tumultueuse, ni figée.
Une esthétique de la liberté
Un mode de vie qui contraste avec celui d’une jeunesse à l’étroit dans la nécessité de faire carrière. La crise et son corollaire, la peur du chômage, a précipité un retour aux valeurs bourgeoises : sécurité, confort, travail. Elles sont reflétées dans les sacs Longchamp, uniforme des lycées parisiens adopté de plein gré, les ballerines, les perles, les imitations Chanel et autres cols Claudine d’il y a quelques années. Les étudiants finissent leur licence plus pour le diplôme que par plaisir, bachotent leurs partiels au lieu de refaire le monde.
Et si la génération Easyjet voyage, c’est de façon organisée : un semestre Erasmus dans le cadre des études, une année de work & travel négociée avec le travail, des recherches pour un doctorat… Pas de flâneries dans des pays exotiques pour le simple plaisir de découvrir le monde – et fumer des joints. Cette génération est responsable, évite les trous dans son cv, mais n’en est pas moins désemparée quand il s’agit de trouver un sens à la vie. Pour retrouver un peu de légèreté, elle s’enivre en soirée – le week-end, évidemment.
Le retour à la nature
Le mode de vie gypsy est en communion avec la nature. Il s’inscrit ainsi dans la mouvance écolo, concernée par les méfaits de la vie urbaine et voyant la solution dans le tout naturel. Ainsi, les aristo-gypsy, prénommés gypsets – soit la contraction de gypsy et jet-set – peuvent s’offrir des séjours au bout du monde, loger dans des tipis indiens, des igloos, des vans arrêtés au milieu d’une forêt tropicale, des cabanes dans les arbres. Ils vivent de leurs rentes en caressant des animaux et composent des poèmes, parés d’un patchwork de vêtements traditionnels et de bijoux artisanaux collectionnés au gré de leurs vagabondages.
Un peu moins fortunés – appelons-les les middle-class gypsets –, d’autres jettent leur dévolu sur un métier créatif, principal ou secondaire, achètent la « dirty dozen » en bio, portent des breloques de la boutique exotique au coin de la rue, vont se balader dans les forêts environnantes, dont ils prennent des photos pour Instagram.
L’attrait pour la spiritualité
Un autre aspect de l’art de vivre gypsy est l’envie d’accorder au corps et à la spiritualité plus de place qu’il n’y en a dans une société très cérébrale, pour laquelle le corps se résume à son aspect visuel, les capacités physiques étant l’apanage des athlètes de haut niveau.
Au quotidien, le sport est une activité secondaire, de loisirs, ou un moyen d’atteindre rapidement l’image de soi rêvée. Quant à la spiritualité, elle est comme annihilée. Notre croyance repose en la science, ce qu’elle n’a pas prouvé n’existe pas.
Alors, les apprentis bohèmes se mettent à la méditation, au yoga. Ils accrochent des attrape-cauchemars au-dessus de leur lit et écoutent les enseignements de chamans.
Qui sont les représentants de la bohème ?
En voilà un échantillon non exhaustif :
La plus yogi : Clotilde Chaumet
Dans le monde des yogis, Clotilde est la star française. Prototype de sa génération, elle inonde son Instagram de selfies sexy. On pardonnera ce travers à la belle narcisse – après tout, sa plastique est sa meilleure publicité – sachant que ses ebooks sont un guide de recettes utile à qui cherche à manger plus sainement sans se prendre la tête. Si les recettes ne sont pas toujours vegan (certaines contiennent des œufs et du fromage), elles sont essentiellement végétariennes sans produits laitiers, sauf du fromage de temps à autre.
Son côté bohème: les tenues de ses photoshoots, quand elle n’est pas en leggings de sport, l’alimentation naturelle, le yoga, la vie en Californie, et son métier, un mélange de coach, yogi et blogueuse.
La plus bohème : Marie-Laure Daillut
Elle est à l’origine du blog à succès Le Monde est à Nous, représentatif du bohemian lifestyle. On y trouve le récit de ses nombreux voyages, des conseils pour un mode de vie plus naturel, ses looks et sa déco d’inspiration bohème. Adepte du DIY, elle tient une boutique en ligne où elle vend ses créations, et livre une box mensuelle à ceux qui souhaitent s’y mettre aussi.
Son côté bohème : le look, déco et vestimentaire, une certaine envie de se rapprocher du naturel, bien qu’elle ne soit pas adepte du 100% bio, les voyages, le métier créatif.
La plus gypset : Julia Chaplin
C’est elle qui a inventé le terme de gypset, pour un mouvement qui existait déjà : celui de gens aisés attirés par une vie nomade, authentique, loin des hôtels de luxe et des lieux à la mode. Sa série de livres sur la tendance gypset est un succès.
Son côté bohème : Sa vie de nomade, son look, son statut de leader d’un communauté qui se revendique gypsy, son métier créatif.
La plus rebelle : Jessa Johansson
Jessa est un personnage fictif de la série « Girls », mais la fascination qu’elle exerce sur ses spectateurs est bien réelle. Peut-être est-ce parce que l’actrice, Jemina Kirke, ne dit jouer que son propre rôle, avec lequel elle se confond.
Le personnage de Jessa est aux antipodes des impératifs de son temps : carrière, politesse, santé, minceur… Au contraire, elle se fout des conventions, n’a pas de métier, est partiellement droguée et alcoolique. L’aura de glamour qu’elle dégage se suffit à elle-même. Ses tenues vintage sont minutieusement étudiées, sa beauté, racée. Elle fait le tour du monde en valises Vuitton (avec quel argent ?), disparaît sans prévenir, dit exactement ce qu’elle pense, sans prendre de pincettes, est sexuellement libérée, épouse un inconnu, sort des phrases grandiloquentes de son accent british. Même ses jurons ont l’air chic.
Elle est paumée comme tout le monde à son âge (24 ans), mais, à la différence des autres, n’essaie pas de trouver le droit chemin. La forte présence de son personnage la prive du besoin de « devenir quelqu’un ».
En réalité, elle vit pour son image, provoque pour se sentir exister dans le regard des autres.
Son côté bohème : Ses tenues fascinantes mais, surtout, son attitude anti-conformiste, qui fait planer autour d’elle une aura de liberté.
[…] The Gypsy vibe. […]