Entretien d’embauche à la berlinoise
Décidée à faire le tour du monde, j’avais la vie devant moi, la jeunesse (encore!), aucune obligation, pas d’emploi, pas d’enfants, pas de pied à terre stable. La liberté à l’état pur. Ne manquaient plus que les fonds et je dus me rendre à l’évidence : il allait me falloir un travail.
Je décidai de postuler à Goodies, le café annexe aux supermarchés Veganz de Berlin. Pas parce que ça paie particulièrement bien (le minimum, comme tous les jobs dans la gastronomie, ouch), mais parce que ce café végane vend des matcha latte, cacaos au maca, smoothies à la spiruline et puddings de chia. Or, bien qu’en ce moment je mange des fusilli au grana panado presque tous les jours, j’ai décidé de ne travailler plus que dans des cafés véganes, dans l’idée de ne plus être impliquée dans un commerce qui vit de l’exploitation des animaux. Allez comprendre.
Bingo, candidature acceptée ! Par une journée ensoleillée, je me rends au Goodies de Prenzlauer Berg. Trois autres candidates attendent déjà. Une israélienne amoureuse des animaux, une prof de yoga de 23 ans (« J’ai commencé le yoga à l’âge de 7 ans, c’est pour ça ») et une mère de famille aux cheveux roses, piercing au nez et robe à pois turquoise. Cette dernière semble avoir le meilleur profil pour se fondre dans la masse des employés Goodies. Ambiance start-up, troués, tatoués et cheveux dans toutes les couleurs de l’arc-en-ciel.
La RH fait son entrée. Minishort, bottes used et marinière. Elle sera rejointe plus tard par deux autres personnes censées évaluer notre capacité à servir du café. Toutes deux lookées à la cool elles aussi, tout en noir pour la fille ; casquette et boucles d’oreilles spéciales agrandissement des lobes pour le gars.
« Prêtes pour le casting ? » Je ne savais pas qu’il existait des castings pour les jobs de cafétéria. On nous gratifie chacune d’une boisson chaude gratuite. À près de 4€ la boisson, j’exulte. Rien que pour mon Makao (= chocolat chaud au maca (Le maca est un superaliment énergisant et aphrodisiaque venant du Pérou, NDLR)), ça vaut le coup. Toute l’équipe se rend ensuite au parc d’en face pour profiter du beau temps (une denrée rare et précieuse à Berlin).
La RH déplie une nappe à pique-nique et nous explique que chacune des candidates va devoir interviewer une autre puis la présenter à tout le monde. Les questions sont du type « Quel est ton rêve le plus cher ? » ou « Si tu avais une baguette magique, que changerais-tu dans le monde ? ». C’est drôle de vendre quelqu’un d’autre au lieu de soi-même, ça enlève carrément la pression. Surtout que ma binôme est super sympa. Juste avec quelques difficultés en allemand…
Alors au moment de la présentation, le résultat a donné lieu à des surprises. À la question « Nommez une chose importante que vous ayez apprise », j’avais répondu : « Autrefois, je ne révélais pas beaucoup de moi-même lors d’une conversation. Je restais à un niveau très superficiel et cachais mes faiblesses. Depuis, j’ai appris qu’en s’ouvrant plus à l’autre, la conversation gagne en profondeur et devient plus intéressante, puisque l’interlocuteur va avoir tendance à se livrer un peu aussi. Dorénavant, je fais la connaissance de gens intéressants beaucoup plus facilement. »
Problème de langue, lors de la présentation, c’est devenu : « Alors, avant, elle était un peu coincée et n’osait pas trop parler aux gens. Mais maintenant, elle est plus ouverte et arrive à se faire des amis. » Ouch.
Prochaine étape : l’épreuve du muesli. Il faut se préparer un muesli avec du lait végétal, des flocons d’avoine, oranges, bananes et pommes. Nous nous mettons à nos couteaux, essayant d’avoir l’air de papoter avec désinvolture alors que nous nous escrimons sur des techniques de découpage de fruits toutes plus recherchées les unes que les autre. Nous pouvons ensuite le manger, ce qui est toujours un repas d’économisé.
La dernière épreuve consiste à s’auto-évaluer. Les trois RH se mettent en ligne. Ils représentent, pour chaque question, les mentions « correspond tout à fait », « moyennement » et « pas du tout ». Il faut ensuite se placer au bon niveau par rapport à eux selon si l’on est tout à fait bizarre, moyennement ou pas du tout. De même pour « flexible », « expérimenté », « ouvert » etc. Le côté ludique correspond bien à la jeunesse de l’équipe (= moins de 40 ans. Il faut savoir qu’à Berlin, il y a beaucoup d’adultes qui « refuse to grow up and live in dirty WGs », dixit une fille qui venait de se faire larguer par l’un de ces spécimens). Le fait de bouger détend l’atmosphère. Plus sympa que l’éternel « Énoncez-moi trois qualités et trois défauts. » Gloups.
Les trois épreuves accomplies, on nous apprend que si l’on avait la chance d’être pris, on bénéficierait d’abonnements gratuits à deux studios de yoga, dont un de hot yoga (un argument de poids!), de réductions de 30% sur Goodies et 20% sur Veganz, de déjeuners gratuits au Bowl, LE resto de la health food berlinoise (n’empêche, pas sûre d’avoir bien entendu sur ce point) entre autres joyeusetés. Ça motive.
Mais quoi qu’il en soit, c’était si agréable d’avoir passé un job interview au soleil, avec un Makao, en tchatant avec une nouvelle copine, dans la bonne humeur, que le moment avait toute sa valeur en soi, indépendamment du résultat. Que tous les entretiens d’embauche soient comme ça !
Marie Glowing Yogini says
Hihi sympa en effet. Et alors, tu as eu la réponse ?
Bises
greenandthecity says
Oui, j’ai été prise au round 2…puis recalée au round 3^^