par Jessica Moabit
C’est un dimanche pluvieux à Berlin. Alison et Lola, assises sur le canapé du salon, laissent la chanson qui tombe sur les carreaux bercer leur conversation. L’ambiance est à la papote. Couvertures chaudes sur les épaules. Thé fumant orange-gingembre serré dans les mains rougies.
Dimanche après-midi entre copines, par définition. On ne s’occupe pas du temps qui passe ni du temps qu’il fait. La lumière blafarde du dehors donne aux visages cette beauté froide et pure. Les yeux pétillent d’un joli gris. Les rires sont libérés et éclatants.
La conversation porte, bien évidemment, sur les relations masculines en cours.
Lola essaye de résumer :
« En général quand je suis envieuse ou frustrée envers un mec, c’est un moteur puissant pour améliorer ma qualité de vie. J’essaie de voir le positif dans la situation.
– C’est une façon efficace de tirer profit de ce genre de situation en effet. En vrai c’est à double tranchant, ma vie sexuelle semble épanouie mais je ne me sens pas épanouie pour autant. Ça fait beaucoup d’émotions et j’en ai marre un peu.
– Je vois parfaitement ce que tu veux dire. Dernièrement j’ai décidé de ne plus vivre en fonction des hommes, en mode attendre qu’il se passe quelque chose, redouter l’inéluctable spirale « espoir/déception » et tout ça. Mais ce n’est pas évident.
– Oui, j’essaye vraiment aussi de me tenir à cette décision-là. Mais je vois bien que c’est impossible. Le célibat est un vrai combat contre soi même.
– J’ai eu une phase à 18 ans où mon but de vie était de me trouver un mec. Il n’y avait pas Tinder alors c’était encore plus dur… Je vivais en fonction de la prochaine fois où je pourrais pécho. Et en fait maintenant je me dis que j’ai perdu pas mal de temps. J’avais vraiment mieux à faire, me construire etc. Pourquoi avoir dépensé autant d’énergie à penser aux mecs ?
– J’étais exactement pareille.
– Je me suis dit la prochaine fois ce sera différent. Je me suis dit si je suis célibataire à nouveau, je n’essaierai même pas de rencontrer qui que ce soit. Je me concentrerai sur ma vie, ce que je veux faire etc. Et en même temps ma plus grande peur était de manquer de sexe. Et j’avoue j’ai un peu du mal à gérer ce double tranchant de ma nature si humaine. Des fois je me demande si ce n’est pas une façon de me divertir cette idée de rechercher les rencards. Au lieu de focuser sur quelque chose qui me passionne suffisamment.
– Bien sûr.
– Mais aussi quand j’étais en couple, j’avais toujours envie d’expérimenter le fait d’avoir plusieurs amants. Là, j’ai la possibilité de le faire et pourtant je ne réalise pas cette envie… alors j’ai l’impression de rater ma vie, tu vois.
– C’est ouf parce que j’ai les mêmes interrogations en ce moment. Le même malaise envers moi-même. Et des sautes d’humeurs qui passent de “ma vie est géniale” à “ma vie est misérable »
– Carrément ! Et il y a un autre aspect : bien malgré moi, je viens à la conclusion perverse du : si tout le monde baise comme des fous sauf moi, ça veut dire que je ne suis pas assez séduisante. Moi ça saute d’un instant à l’autre. Mais je ne saute pas tous les instants.
– C’est ce sentiment d’urgence de devoir se rassurer. C’est aussi comme devoir assumer le rôle que donne la société aux filles de 25 ans célibataires.
– Ben, oui. En général je trouve ma vie trooop géniale, je suis comblée. Puis je me dis que je rate quelque chose et je suis frustrée. Et je me dis qu’il y a pas de raisons, faut arrêter mais je ne peux pas m’en empêcher. Et quand je rencontre un mec cool, je suis comblée pour quelques jours, jusqu’à ce que l’un ou l’autre se lasse, puis le manque s’installe à nouveau. Il n’y a pas de satisfaction durable. Il faut toujours renouveler les efforts et les espoirs, c’est épuisant.
– Oui, épuisant c’est le mot. Je sens que tu es très positive et heureuse, mais avec ce questionnement incessant genre est ce que je plais, est ce que je suis bien, est ce que quelqu’un va pouvoir m’aimer un jour de nouveau telle que je suis maintenant, comment suis-je la plus heureuse, etc.
– Oui, voilà. De façon générale j’ai vraiment confiance en moi, je suis reconnaissante d’avoir une telle confiance en moi c’est merveilleux. Puis vient le doute. Et je m’en veux presque de douter je sais que c’est un effet pervers du cerveau et je ne peux pas m’en empêcher. Un jour Alberto, l’italien m’a demandé : quelle est la chose que tu aimes le moins chez toi. Et j’ai pensé direct : quand d’un coup je n’ai plus confiance en moi. J’imagine que c’est un trait de caractère humain qu’il faut apprendre à accepter.
Quelques secondes de méditation concertées suivent. Puis un portable sonne. Alison prend son téléphone et rit à la lecture d’un message.
– J. me fais mourir de rire. C’est un mec drôle quand même.
– Il dit quoi ? Attention hein. Femme qui rit, à moitié dans ton lit.
– Haha. Des conneries.
– J’aime bien le « quand même », très révélateur…mmmmh … je sens que tu vas craquer…! Il est malin ce petit J.… enfin « petit »…
Alison répond par un smiley en rigolant. Repose le téléphone sur la table.
– Nous verrons bien. Mais du coup tu pars où en vacances ?
– Soit je pars en Italie soit à Paris, je ne sais pas encore.
– Haha, si ça te dis un weekend on part à Newcastle. J’ai quelqu’un a voir là-bas…
– Ha ouais, qui ça ? Ce serait cool aussi.
– Mon bel amant du weekend.
– Donc ça y est c’est officiel?
– Officiel ? Quoi donc ?
– Avec ton amant du weekend…
– Lequel ?
– Hahaha. Lequel. Non mais tu t’entends.
– Raconte-moi plutôt pourquoi soudainement tu hésites entre partir en Italie ou à Paris.
– Je suis un peu tiraillée entre les sollicitations. Entre l’un qui me demande de venir au Brésil, l’autre à Milan, ma mère à Ravenna et mes amies à Paris…
– Hahaha moooon Dieu.
– Oh D’AILLEURS dimanche. J’ai eu enfin une conversation avec B., el brasiliano from Rio.
– Oh. Mais il t’a appelé ?
– Non. Par message haha.
– Bon, ne nous emballons pas.
– C’est clair. La meuf qui s’excite sur rien.
– Et ?
– Et il m’a demandé pourquoi que je ne viens pas au Brésil. Et je lui ai expliqué que je ne le connais pas et on ne se parle jamais. Et du coup il m’a dit, oui c’est vrai, faudrait qu’on se parle plus souvent.
– T’irais vraiment claquer 500 euros d’avion pour une semaine au Brésil. Pour un mec.
– Ben. Oui. Je suis jeune, et j’ai de l’argent, et puis c’est le moment de faire des voyages. Et…
– Et puis ?
– Ouais, et puis c’était vraiment ouf au lit avec lui.
– Donc tu vas aller à l’autre bout du monde pour le sexe.
– Pas que. Et puis pas n’importe lequel.
– Hehe. Tu sais, on trouve tout ce qu’on veut ici.
– Oui, ta vie sexuelle a l’air absolument trépidante. Je t’envie un peu. Et je suis en train de brainstormer sur comment remédier à ma vie sexuelle insatisfaisante. C’est pour ça que la semaine brésilienne s’envisage.
Rires. On se resserre du thé. Nouvelle sonnerie de téléphone.
– Encore J, “your outfit today : wow »
– Il a encore faim ? Pourtant aujourd’hui t’as pas fait péter la minijupe. C’est l’amooouuuur.
– Certainement pas.
– En tout cas il y en a un qui a du mal à se concentrer derrière sa posture d’amant insensible et insatiable. Il est en fait complètement…
– Je dirai qu’il y en a trois comme ça. Toi incluse.
– … déconcentré par la gazelle qui se pavane devant lui avec ses jambes de 2 mètres et sa crinière de feu…
– Genre la description
– …Oooh, pourquoi m’avoir mis l’incarnation de Jessica Rabbit juste sous mon nez ! AAAhhh, le supplice de Tantale ! Il ne sait s’il est en enfer ou au paradis..
– Haha on ne t’arrête plus.
– J-3 avant démission de ma start-up de merde, on se lâche.
– Oui enfin on se lâche tous les jours dernièrement…
– Je suis dissipée décidément, conclu Lola.
Elle regarde son téléphone.
– Hum F. , l’italien, me propose qu’on aille à Venise ensemble… Mais je ne suis pas sûre d’être dans son délire.
– Dis donc. Il va vite en besogne.
– Je l’aime bien mais je ne suis pas du tout à fond.
– Je vois.
– Je n’aurais peut-être pas du dire qu’il m’avait un peu manqué…
– Il te plaît ? À combien de pourcents ?
– Il me plaît à 60 % je dirais.
– Mets-moi des pourcentages sur F, B, et ton ex, S. Que je puisse comparer.
– Du coup F , 60%… S, 50%, B, 95%. Haha. S’ils savaient.
– C’est génial. En vrai… ça peut te permettre de voir Venise.
– Hahaha. Pragmatique. Mais j’ai déjà été à Venise.
– Ah, bah merde. Dis-lui ça. Ouais mais en fait non Venise je connais.
– T’as raison. Et puis je ne veux pas me faire un plan kitsch avec quelqu’un que j’aime bien. Je vais lui dire que je crois que ça va me faire trop. Surtout que j’aimerais bien connaître mieux Milan. Avec un local. Je reste que 2 jours. Je pense que ça pourrait être sympa. Je me sens bien et détendue avec lui, ça pourrait être cool. On a passé du bon temps ensemble. Et puis au lit il est pas mal, c’est cool. Genre même si il n’est pas une bombe, il est assez sûr de lui et je ne sais pas, je me sens chimiquement attirée mais juste son attitude en mode lover me déconcerte. Je ne veux pas lui faire de faux espoirs.
– C’est un italien, son attitude est normale. Take it easy.
– Haha, oui. Au fait, comment s’appelle le hamdsome brittish?
– Alexander Nicholas Ffawkes. Nic Ffawkes de son petit nom.
– WTFfawkes
– Ouais avec 2 F. C’est old brit name darling.
– J’ai cru que t’allais dire c’est un old brit.
– Haha. Il vient d’avoir 30 en soit. Et l’italien F. ? Âge ? Nom de famille ?
– Je sais pas.
– Donc tu vas en Italie voir un certain F. dont tu ne sais rien.
– Je n’ai pas l’habitude d’appeler mes amants par leur nom complet.
– Au lit ça la fout mal c’est sûr.
– HAHA. Mais vraiment. Tu crois que je devrais lui demander son nom de famille ?
– Par curiosité, pourquoi pas.
– Ça ne m’intéresse pas particulièrement honnêtement mais ce serait bien d’avoir genre son adresse.
– Putain la meuf.
– Heureusement que ce n’est pas au Brésil que je vais. Dans les favelas de Sao.
– Heureusement que je ne suis pas ta mère, et que c’est pas en Jamaïque que tu vas.
– La phrase préférée de ma famille c’est : « tu me tues ». Je ne sais jamais comment l’interpréter. Ça me fait penser. Je t’ai dit je suis censée voir un gars-tinder jeudi soir. Bryce de Nice.
– WHAT. Non. Le nom, sérieux, je rêve.
– Nan mais c’est un profil Tinder tu vois. Mais il a l’air cool.
– C’est son nom Tinder ça ?
– Non il s’appelle Bryce sur whatsapp… il a ajouté de Nice… pour la blague je crois.
– Plus beauf tu meurs. Mais pourquoi pas.
– Mais non c’est drôle. En plus il n’est pas allemand mais français.
– Tu me diras, tu ne vas pas voir un one-man-show, on s’en fout du niveau d’humour.
– Tsss, bah je trouve que quelqu’un de cool ça met à l’aise. Bon et puis les photos ça aide…
– Obviously.
– En mode musclor. Je suis curieuse. Il a l’air hyper relax posé. Genre normal. Et on parle en français. Ça change.
Le thé coule à flot de nouveau dans les tasses. La théière se vide. Bien plus vite que les sujets de discussion.
Alison reprend la parole.
– J’écris un article en ce moment sur une nana qui a une maladie appelé syndrome douloureux régional complexe.
– Ok. Ça pose. Changement de thème.
– Et je me suis tâté à mettre : tel les questionnements gouvernementaux actuels en France.
– Hein? Aaah. Génial.
– La galère du recoupement régional en France, tu sais de quoi je parle.
– De toute façon personne ne va piger, si ?
– C’est ce que je me suis dit.
– Bah, tu peux toujours tenter.
– Oui, mais c’est là que j’ai pensé : je suis trop intello pour ce boulot.
– On est des géants coincés dans des boîtes trop petites.
– Ou une petite élite de cerveaux coincée dans une boîte à trop large audimat.
Lola regarde son téléphone.
– Tu sais, de temps en temps mon portable s’éteint tout seul. Ça serait drôle si à Milan il ne se rallumait plus. Je vais quand même demander l’adresse au cas où. Ou genre l’adresse mail.
Elle tapote sur l’écran. Et change de sujet.
– En ce moment j’écoute beaucoup Amy Winehouse. Elle a un talent, un cadeau du ciel. Elle en a fait sa vie. On est pleines de ressources précieuses pour la vie et l’Univers. Pourquoi gaspiller son énergie dans des boulots ? Ce n’est pas de cette façon que les choses sont censées se passer.
– Je comprends ce que tu veux dire. Mais la richesse de chaque personne est infinie et peut se traduire de mille manières. Le travail ne nous représente pas et heureusement. Les chanceux qui arrivent à faire de leur passion ou talent leur travail, sont rares, et finalement, pas tant heureux que ça … regarde le nombre qui finissent en dépression ou overdose ou refait à la chirurgie.
– Le travail ne nous représente pas mais nous y gâchons notre temps de vie.
– Un travail reste un travail, c’est ce qui fonde la société aujourd’hui et qui nous donne à chacun une place. Bien sûr je serai ravie de gagner ma vie en tant qu’artiste, une autre en tant que peintre, toi en tant qu’écrivain, etc, mais c’est un passage des plus compliqués financièrement, mais aussi socialement, individuellement, s’affirmer en tant qu’artiste ou en tant que marginale du moins, c’est un challenge, ce doit être une conviction profonde, à mon sens, tu vois, cela ne me dérange pas de bosser dans un travail que j’aime moyen, et pouvoir m’épanouir autrement. Avec l’argent qui m’est donné par le travail.
– Moi si, je trouve que ce n’est pas normal. Je ne trouve pas normal de passer autant de temps de vie, d’énergie de la jeunesse dans la construction de foutaises, sous une forme qui détruit notre santé, même si « détruit » est peut-être un peu fort. Un peu, ok. Mais 80 % de notre vie à faire ça ?
– Pense à la condition qui aurait été la nôtre il y a 50 ans , femme au foyer, sans travail, sans études ou peu, sans droit de vote, et dans l’imaginaire collectif, de toute façon plus bête que notre mari.
– Je ne veux pas comparer à pire, il y a toujours pire.
– Les choses changent, il faut laisser un peu le temps.
– Je veux plus, je veux mieux. Si ces femmes au foyer s’étaient comparées à pire et s’étaient contentées de leur situation, on n’aurait jamais avancé.
– Bien sûr, elles se sont battues, et on se bat nous aussi à notre niveau. L’important c’est de toi à toi, pour toi-même, à toi-même, pouvoir trouver ton harmonie et ton propre bonheur dans le monde dans lequel tu évolues.
– Et bien je ne suis pas satisfaite. Quand je vois que ton intelligence est rabaissée au boulot, ça me dégoûte.
– Mais tu sais, de tous mes camarades de promo qui ont fait des études artistiques et se voyaient artistes, très peu, disons 1 %, ont réussi dans ce qu’ils voulaient. Savoir s’adapter à une méthode, à un public spécifique, c’est aussi ça l’intelligence.
– Cette intelligence c’est une stratégie de survie.
– Obama s’adaptait constamment en parlant à son peuple ou à ses conseillers, et c’est un homme fondamentalement intelligent.
– Ce n’est pas l’étincelle qu’on a à apporter au monde. Mais j’entends ce que tu veux dire. Mais ce n’est pas une situation normale pour moi. Je trouve que c’est du gâchis.
– Bien sûr. Mais après 2 ans et demi de stage à faire le métier que j’aime, mais à être payée et traitée comme de la merde, je revois ma définition du gâchis.
– Ça aussi c’est du gâchis. Ce n’est pas normal non plus.
– Mais toutes les générations se battent pour cela et c’est un combat constant.
– Le monde est en constante évolution, de fond en comble. Ça ne veut pas dire que c’est un combat perdu d’avance.
– Bien sûr au contraire, la réussite est dans la longueur.
– Tant de choses ont changé tant de fois. C’est nous qui créons notre réalité. Même si on se sent prisonnier des circonstances. En fait je suis à la fois si profondément reconnaissante et heureuse pour toutes les choses géniales de ma vie. Et à la fois révoltée de certaines circonstances qui ne me semblent pas naturelles.
– Oui, je vois les choses de la même manière. Il y a du coup pour moi trois directions à prendre : Paix intérieure (yoga, journal, cinéma, musique, culture..). Expression/Apport au monde (blog, dessin, petits changements sur les gens autour de moi, sourires, encouragements), et… Constance (être super strict sur des valeurs simples, tri , écologie, injustice, culture, générosité, politesse, positive attitude, respect, etc). Des actions à notre niveau qui permettent de trouver l’équilibre dans cette bittersweet sensation de vivre.
– Ça me semble juste. Tu viens d’y penser ? Où c’est ta direction en général ?
– Je viens de mettre en mots ma direction en général.
– Je me demande si c’est complet par contre.
– C’est non-exhaustif.
– Je veux dire que c’est la base et pourtant pas si évident à mettre en œuvre. Mais comme ça, à l’instinct, j’ai l’impression que ça ne suffit pas. Ce n’est pas ça qui va faire des vagues. Faut-il faire des vagues pour changer ?
– La fondation d’un château, c’est ce qui le fait tenir, et pourtant c’est ce qui est invisible. Quand le monde le grave dans son esprit, il en grave la magnificence des toits ou des tours, ce qui pointe vers le ciel mais le béton gris et solide en dessous est pourtant fondamental.
– Oui, mais si on ne construit rien au-dessus, il n’y a pas de château.
– Certes.
– Donc : est-ce que le béton ça suffit ? Ou faut-il une énergie en plus, ce qui le transforme en fabuleux palais ?
– Non, si tu as fondamentalement la solidité du béton déjà en toi, tu as le potentiel et les armes pour élever le château. Mais à cela ensuite il y a plusieurs facteurs déterminants : les outils matériels. L’espace. Le temps.
– L’idée, aussi. La volonté de construire ce château. Les efforts pour y parvenir.
– C’est là qu’intervient l’intelligence de savoir tirer profit d’une situation.
– Je suis d’accord.
– Créativité + volonté + débrouillardise. Cocktail gagnant.
– Oui.
Alison regarde par la fenêtre. La pluie a cessé. Sur le sol mouillé, luisant, les immeubles d’en face se reflètent, immobiles, symétriques.
Elle soupire.
– Nicholas me manque un peu. Ça craint.
– C’est qui ?
– Ffawkes.
– Aah. Je pense que ce n’est pas Nicholas qui te manque. Quelque chose te manque.
– Être amoureuse sans doute : je sais que c’est une dépendance chez moi. Appelle ça une maladie.
– Et n’importe qui d’autre n’est qu’un substitut au manque.
– J’ai un espèce de besoin, tout le temps, de ressentir ce sentiment pour quelqu’un. Ça me gâche la vie.
– Tu n’es pas amoureuse de tes amants au sens profond peut être. Mais tu veux combler un manque. Tu n’as plus ce que tu as ressenti pendant cinq ans avec ton ex.
– Exact. Et pourtant… d’un autre côté, je trouve mieux.
– Avec qui ?
Alison porte à ses lèvres sa tasse de thé. Savoure les dernières gorgés de liquide chaud.
– Avec moi.
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